Communication FINMA 01/2024 : combien de GFI à fin 2024 ?
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Julien Froidevaux Responsable gérants indépendants
Entrée en vigueur début 2020, avec une période de transition de trois ans échue au 31.12.2022, la Loi sur les Etablissements Financiers (LEFin) permet désormais aux gérants de fortune indépendants (GFI) d’être considérés comme des intermédiaires financiers à part entière. Point de situation suite à la communication sur la surveillance 01/2024 de la FINMA.
Que dévoilent les derniers chiffres communiqués par la FINMA ?
Revenons 30 mois en arrière : sur les 2 327 GFI et trustees annoncés candidats à la requête en autorisation en juin 2020, seuls 180 avaient envoyé leur demande à septembre 2021, alors que le nombre d’organismes déjà approuvés à l’époque se montait à 16 unités seulement !
Selon le communiqué publié le 30 janvier 2023, 1 699 demandes avaient été reçues à fin 2022, dont 1 534 pour des GFI. Le nombre de sociétés de gestion approuvées est passé de 642 unités à fin décembre 2022 à 1 195 unités à fin décembre 2023. On mesure mieux l’ampleur du travail effectué par les équipes du régulateur durant cette période.
Un solde d’environ 1 000 dossiers était toujours en cours de traitement à Berne à fin 2022 ; sur la base de la dernière communication 01/2024, il reste encore environ 400 établissements qui ont effectué une demande dans les temps - et qui peuvent toujours continuer à exercer leur activité de gestion dans l’intervalle. Plusieurs allers-retours sont toujours nécessaires afin de satisfaire aux questions du régulateur durant l’analyse du dossier.
Le nombre définitif de GFI devrait par conséquent se situer à environ de 1 600 - 1700 sociétés. Seules 63 demandes reçues fin 2022 ont été retirées en 2023, comparé à plus de 1 000 GFI qui avaient confirmé leur intention de ne pas déposer de demande avant le délai de décembre 2022.
Si les gestionnaires de fortunes collectives directement actifs avec des clients privés sont ajoutés à ce total, il est probable qu’environ 2 000 GFI seront actifs en Suisse à la fin de l’année 2024.
Le montant moyen des actifs sous gestion des GFI autorisés à ce jour se monte à environ CHF 180mio, avec de fortes disparités. Le nombre d’employés moyen reste par contre d’environ 3 personnes, avec une délégation majeure des tâches de compliance et gestion des risques. Il est probable que ces chiffres ne varient pas significativement avec le lot des 400 derniers établissements encore à autoriser.
Mesures de surveillance – des chiffres inquiétants
Le communiqué FINMA mentionne près de 500 investigations ouvertes depuis 2020 envers des GFI pour des soupçons d’activité sans licence, avec 43 dénonciations pénales déposées. De plus, 234 établissements ont été placés sur la liste d’alertes du régulateur, sur un total de 1 500 présents sur la liste du site internet du régulateur.
Cette proportion est relativement inquiétante, au vu du nombre important de communications effectué par la FINMA ces trois dernières années. La question des contreparties (banques, fournisseurs de prestations diverses, etc.) en relation potentielle avec ces établissements non autorisés se pose également.
Demandes de modifications – une nouvelle charge administrative majeure
La surveillance prudentielle étendue au-delà du simple respect de la législation anti-blanchiment va désormais rythmer la vie des GFI.
A titre d’illustration, les GFI doivent désormais s’habituer à annoncer tout changement stratégique à l’autorité de surveillance. La communication FINMA revient longuement sur le traitement des demandes de modifications, en détaillant les raisons principales ainsi que les catégories de changements appelants ou non une autorisation du régulateur.
Un total de 994 demandes de modification a été reçu par la FINMA pour l’année 2023. Ce nombre parait très élevé eu égard au nombre de GFI précédemment cité et de la période de 12 mois post dépôt initial qui n’aurait pas du donner lieu à de changements stratégiques majeurs. Le communiqué FINMA donne une piste quant à la raison principale – un changement d’établissement par un gestionnaire de fortune durant la période ; plusieurs anciens GFI qui n’avaient pas effectué de dépôt via leur ancienne structure ont probablement rejoint des maisons existantes. Par conséquent, ce chiffre est probablement appelé à baisser significativement à l’avenir.
GFI - Un avenir radieux pour la profession (et pour les banques)
La fin de l’autorégulation pour les gérants de fortune indépendants est définitivement une excellente nouvelle. Le marché a non seulement besoin d’intervenants soumis à une régulation exigeante, mais également d’une offre diversifiée en termes de modèles d’affaires et styles de gestion. Les performances extrêmes de 2022 et modestes de 2023 sont là pour rappeler le besoin d’hétérogénéité des acteurs et des produits afin de servir les demandes de la clientèle et de maintenir une place financière forte.
Il s’agira désormais de s’abstenir définitivement de mettre en opposition les gérants indépendants et les banques – chaque entité a sa carte à jouer, avec des prestations uniques et complémentaires à la fois. Les GFI sont désormais définitivement à la même enseigne que les autres intermédiaires financiers régulés par la FINMA. A long-terme, la place financière suisse ne peut que gagner de la diversité et de la qualité des acteurs présents.
Lien avec Communication FINMA 01/2024
Auteur
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Avec une expérience bancaire et financière de plus de 30 ans, dont plus de la moitié au service des Gérants Indépendants, Julien Froidevaux est chargé du développement de la présence commerciale de la Banque dans ce secteur d'activité. Il est Docteur en management de l’Université de Genève, titulaire des diplômes CFA et CWMA, ainsi que du certificat en investissement ESG du CFA Institute. Julien Froidevaux enseigne également auprès de HEC Lausanne pour le Master en Finance.