Course à l’IA: les défis pour la gestion de patrimoine suisse
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Le Temps
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Selman Bicaco Urrutia Head of Private Banking
L’intelligence artificielle (IA) fait miroiter bien des avancées dans la gestion de fortune. Pour Selman Bicaco-Urrutia, les banques privées suisses doivent se jeter à l’eau, tout en adoptant une approche prudente.
Cet article de Selman Bicaco-Urrutia, Directeur Private Banking de Piguet Galland, est paru dans Le Temps le 25.03.2024.
L’intégration de l’intelligence artificielle générative (IA générative) dans le secteur bancaire suisse a le potentiel, à plus ou moins court terme, de redéfinir la gestion de patrimoine, offrant des opportunités uniques. Cette technologie peut véritablement transformer les stratégies d’investissement, les opérations et les expériences client. Cependant, il y a certaines questions et précautions que nous devons prendre en compte pendant que nous commençons à utiliser ces nouveaux outils (sécurité des données, conformité réglementaire, etc.).
Impact sur les investissements
L’IA générative, une fois bien maîtrisée, sera capable d’optimiser les stratégies d’investissement en analysant de vastes quantités de données de marché. Cette capacité à traiter des données complexes conduirait à une meilleure gestion des risques et une allocation des actifs. Cependant, cela nécessitera des investissements significatifs dans le développement technologique pour être déployé en conformité, offrir une stabilité à la hauteur des services d’une banque privée, et la formation du personnel devra bien sûr être prise en compte.
Impact sur les opérations et l’expérience client
Automatiser les processus métier à travers l’IA générative réduit également les coûts et améliorera l’efficacité. Les chatbots intelligents et la détection précoce de la fraude augmenteront la sécurité des transactions et la satisfaction des clients. Cependant, ces avancées nécessitent une gestion prudente des questions éthiques et réglementaires liées à la protection des données (Où sont-elles traitées et stockées ? Qui y a accès ? etc.).
Opportunités commerciales
L’adoption de l’IA générative dans la gestion de patrimoine ouvre de nouvelles voies pour une personnalisation avancée des services financiers. Cette technologie permet une analyse détaillée des comportements et des préférences des clients, facilitant la proposition de produits et services sur mesure qui répondent précisément aux besoins individuels des clients (approche segment-of-one). Aujourd’hui déjà, un bon nombre de startups se sont lancées dans la création d’outils spécifiques à la prédiction comportementale des consommateurs. L’IA offre donc la possibilité de développer de nouveaux produits financiers innovants, tels que des solutions d’investissement basées sur des modèles prédictifs ou des outils pour aider à automatiser la gestion de portefeuille. Ces avancées contribueront non seulement à améliorer l’engagement et la fidélité des clients, mais ouvriront également la voie à l’exploration de segments de marché auparavant inaccessibles, renforçant ainsi la compétitivité des banques privées suisses .
Complémentarité entre l’IA et les humains
L’objectif de l’intégration de l’IA n’est pas de remplacer les humains, mais plutôt de libérer les employés des tâches à faible valeur ajoutée. Un peu comme une nouvelle révolution industrielle qui permettra une plus grande efficacité et une plus grande compétitivité qui favorisera les clients dans le monde entier. En automatisant autant de processus que possible, et en simplifiant les tâches, l’IA permettra aux professionnels de la finance de consacrer plus de temps à ce qui compte vraiment : les relations avec les clients et l’innovation. Ce temps libéré ouvre la voie à une créativité sans précédent et à des conseils personnalisés, enrichissant l’expérience client avec une touche humaine irremplaçable. C’est, à mon avis, dans cette symbiose entre humains et machines que réside la véritable valeur ajoutée de l’IA dans la gestion de patrimoine.
Vers une évolution nécessaire
La course à l’IA est semée de défis, notamment en termes de sécurité des données et de conformité réglementaire (réglementations qui restent à bien définir). Les banques doivent adopter une approche proactive mais prudente, s’engageant dans un apprentissage continu et collaborant avec les régulateurs d’une part pour assurer une utilisation éthique et sécurisée de l’IA, et avec les startups émergentes de l’autre pour “s’entourer des esprits les plus affûtés sur le sujet”.
En tout cas, il est absolument clé pour nous (banquiers suisses) de rester au faîte de ces avancées (IA et tous ses dérivés). Nous devons être prudents mais en même temps nous ne pouvons pas craindre l’inconnu et nous devons commencer à l’utiliser étape par étape. Au début, il s’agira d’entreprises mineures mais cela nous permettra d’apprendre et d’augmenter notre confiance dans ces nouveaux outils qui nous permettront de mieux servir nos clients. En d’autres termes, nous devons relever ce défi avec confiance et en croyant qu’il donnera le meilleur de nous à nos clients et parties prenantes.
Auteurs
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Le Temps
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Titulaire d'un MBA de l'IESE Business school, Selman Bicaco Urrutia a débuté sa carrière au Crédit Suisse à Genève puis au sein de Merrill Lynch à Londres. Après sept ans passés à la banque CIC en tant que directeur du site de Genève, il a rejoint Piguet Galland en 2021 en qualité de Directeur de la Clientèle Privée et membre du Comité de Direction. Il assure le développement stratégique et commercial de la Banque.