Aussi bien les investisseurs que les structureurs et les distributeurs ont besoin d’une gestion de cycle de vie plus transparente.
La tokénisation des produits structurés figurera-t-elle parmi les tendances marquantes de l’année 2025? Il y a cinq ans, lors d’un webinaire organisé par Structured Retail Products (SRP), Hariton Korizis, cofondateur de la fintech ResonanceX, avait en effet rappelé ce qui manquait à la blockchain pour approcher la maturité. À savoir l’interopérabilité, l’évolutivité et la protection des données, entre autres. Depuis 2020, les progrès ont cependant été significatifs.
Des transactions au vu et au su de tous
« En 2025, avec l’institutionnalisation en cours et l’accélération de technologies telles que l’IA ou la blockchain, nous devrions assister à l’émergence de produits structurés sous forme numérique », estime Vincent Pignon, Executive Chairman de la fintech suisse Wecan Group. « Les stable coins vont connaître une croissance sans égal et renforcer les investissements dans les actifs numériques », poursuit l’expert, lors d’un entretien exclusif. Avant de faire remarquer que la réglementation devrait être «de plus en plus polarisée », mais que les États-Unis devraient favoriser ces développements sous le gouvernement de Donald Trump, tandis que l’Europe risque de prendre du retard.
Selon Vincent Pignon, l’un des apports majeurs concernera l’infrastructure des flux. Celle-ci est actuellement dominée par des systèmes tels que SWIFT. « Les DLT vont en effet permettre non seulement l’échange de monnaies numériques, mais également la réalisation de transactions immédiatement traçables par tous les utilisateurs et peu coûteuses », précise Vincent Pignon. Qui prévient toutefois qu’un certain temps sera nécessaire avant d’aboutir à ces nouvelles infrastructures, du fait d’enjeux réglementaires.
« Mais, une fois établie, la technologie des DLT appliquée aux flux financiers sera l’évolution la plus importante en termes d’impact », insiste Vincent Pignon. Une deuxième brique innovante venant s’imbriquer aux infrastructures des flux financiers résidera dans l’échange des données de transaction. Autrement dit, les données de validation, les données portant sur des contrats ou encore celles liées aux signatures, pour ne citer qu’elles.
Des avantages pour toute la chaîne de valeur
« Dès qu’il sera possible d’embarquer dans les transactions à la fois la composante compliance et la composante contractuelle, l’optimisation de tout le processus sera radicale », anticipe l’entrepreneur. « En l’occurrence, les acteurs de l’industrie des produits structurés pourront valider des contrats, valider les flux transactionnels ou encore valider les paiements pour l’ensemble des stakeholders, tout cela en temps réel », ajoute-t-il.
Quant à l’investisseur final, et en particulier l’investisseur privé, l’un des avantages les plus importants de la technologie des DLT réside dans la transparence accrue des produits. Ce, dans la mesure où il s’avère aujourd’hui particulièrement difficile de réaliser un suivi efficace et transparent du cycle de vie des produits structurés. « Il y a en effet une véritable opacité » à cet endroit, reconnaît Vincent Pignon. « Or la blockchain, par construction, garantit justement une traçabilité en temps réel efficace et économiquement accessible.»
Un avantage qui bénéficie par ailleurs également les structureurs et les distributeurs, qui font face au même défi. Vincent Pignon attire en effet l’attention sur les risques systémiques que comporte une telle opacité. Ce, dans la mesure où certains acteurs se contentaient jusqu’ici de cette opacité pour masquer des coûts qu’ils étaient en mesure de transférer aux clients. « Ce ne sera plus le cas grâce aux registres distribués. L’investisseur final verra dans la traçabilité en temps réel un gage de sécurité et de réactivité. La dynamique de marché devrait par conséquent s’en retrouver bouleversée », conclut le président exécutif de Wecan.
La DeFi ne tuera pas la finance traditionnelle
Si les choses devraient s’accélérer, cela ne signifie pas nécessairement que tout ira de soi. Comme évoqué précédemment, les défis que présente la blockchain ne sont pas anodins. C’est ce qu’ont souligné les consultants de Lucht Probst Associates (LPA), spécialiste allemand des solutions logicielles et de conseil pour l’industrie des services financiers. Ceux-ci ont en effet insisté non seulement sur les incertitudes réglementaires, mais également sur les vulnérabilités des contrats intelligents, les menaces de cybersécurité et le manque de pratiques standardisées.
« Compte tenu de l’augmentation des cas d’exploitation de piratage, de l’instabilité des cryptomonnaies, d’un paysage réglementaire sous-développé, de systèmes hérités bien ancrés dans les banques et des longues périodes de maturation de certains produits financiers, il est probable que la finance décentralisée (DeFi) ne perturbe pas mais, plutôt, évolue vers la finance traditionnelle (TradFi) », écrivaient les experts de LPA. Ce qui, selon eux, suggère la coexistence de produits structurés émis à la fois dans des formats traditionnels et dans des formats décentralisés.
Enfin, rappelons l’importance du marché des produits structurés pour la place financière suisse, dont le chiffre d’affaires généré par les émetteurs membres de l’Association Suisse des Produits Structurés (SSPA) s’est élevé à 180 milliards de francs en 2023 (221 milliards en 2022). Faisant de la Suisse le premier marché mondial des produits structurés.
