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Le comportement anémique des consommateurs chinois

Rédigé par Sphere | 5 sept. 2024 07:00:00

Cet article a été écrit par Ed Yau, analyste-gérant de fonds et responsable ESG. Il est paru dans Sphere, le 4 septembre 2024.

Contrairement à la plupart des économies dans le monde, la Chine a loupé dans les grandes largeurs le virage de la reprise, comme en témoigne le comportement de ses consommateurs, beaucoup moins portés à la dépense ces derniers temps.

Si les investisseurs débattent de la possibilité d’un atterrissage en douceur de l’économie américaine après les signes de surchauffe post-Covid et une série de hausses successives de taux d’intérêt, la situation de l’autre côté de l’océan Pacifique est tout autre. Contrairement à de nombreuses économies à travers le monde, celle de la Chine a manqué un cycle conjoncturel complet et peine toujours à renouer avec la croissance après la levée tardive du confinement en 2022 qui a laissé de nombreux secteurs en souffrance. Cette absence d’élan se manifeste par une anémie des consommateurs chinois, qui semblent ne plus vouloir dépenser, et par la morosité ambiante des investisseurs. Où sont donc passés ces touristes fortunés qui arpentaient autrefois les magasins de luxe de Lucerne, Paris ou Londres ? Et quand retrouveront-ils leur esprit dynamique et entrepreneurial ?

La faiblesse actuelle de l’économie chinoise ne se limite pas uniquement aux biens de consommation discrétionnaire, comme les cosmétiques, bien que la déception causée par les récentes performances Sephora et Estée Lauder en soit un exemple assez parlant D’autres secteurs essentiels, tels que la santé ou même la consommation de produits de base, sont également touchés par cette baisse généralisée des dépenses. Certaines marques internationales ont beau tenter d’utiliser ce contexte économique pour dissimuler leurs propres pertes de compétitivité et de parts de marché, il n’en reste pas moins qu’une grande partie du problème reste directement ou indirectement lié à la faiblesse persistante du marché immobilier chinois. Or, ce secteur a longtemps été un formidable moteur de la croissance.

Malgré une série de mesures adoptées par le gouvernement chinois, telles que des réductions des taux d’intérêt, des subventions fiscales destinées à stimuler la consommation, ainsi que des efforts pour réduire les stocks excédentaires de logements, la politique de relance n’a, pour l’heure, pas encore produit les résultats escomptés. L’intensité et l’efficacité de la mise en œuvre de ces politiques, combinées à l’absence de nouvelles initiatives plus pragmatiques lors de la réunion du Politburo en juillet, continuent de décevoir depuis le début de l’année.

Le véritable problème économique auquel la Chine est confrontée aujourd’hui est une crise de confiance généralisée, tant parmi les chefs d’entreprises, en Chine et à l’international, que parmi les consommateurs. Si les exportations ont pu apporter un soutien temporaire à la croissance du PIB cette année, il apparait de plus en plus évident que des mesures de relance budgétaire supplémentaires seront nécessaires pour atteindre l’objectif de croissance annuelle d’environ 5%.

La bonne nouvelle, si l’on peut dire, est que les attentes des investisseurs en matière de politique économique ont été si fortement révisées à la baisse que toute mesure concrète visant à corriger le tir pourrait être bien accueillie par les marchés. Il est vrai que le président chinois Xi, connu pour son obstination, a souvent tardé à changer de cap, comme ce fut le cas avec sa gestion de la politique « zéro-COVID ». Il reste donc à espérer qu’il envisagera également un revirement en termes de politique de relance, afin d’éviter que le ralentissement économique ne se prolonge davantage en Chine.