
Risque sur la croissance américaine ?
Les investisseurs, qui semblaient focaliser leur attention sur une potentielle reprise de l’inflation américaine, semblent aujourd’hui bien plus préoccupés par un éventuel ralentissement de la conjoncture. En effet, les mesures tarifaires mises en place par le Président Trump pourraient bien pénaliser les marges des entreprises américaines, tout du moins celles incapables de transférer ces hausses de coûts sur le consommateur final. De plus, les actions du DOGE (Département de l’efficacité gouvernementale), piloté par Elon Musk, pourraient à terme peser sur le moral du consommateur et conduire notamment à une remontée du chômage.
Pourtant, la résilience de l’économie américaine semble inébranlable. En témoigne notamment la progression du PIB des Etats-Unis de 2,3% au quatrième trimestre 2024. Cette année, les profits des entreprises du S&P 500 devraient en outre croître de plus de 10% selon le consensus des analystes. Enfin, en cas de persistance de ces risques sur l’économie, la Réserve fédérale bénéficie d’une marge de manœuvre significative pour reprendre l’assouplissement de sa politique monétaire, probablement d’ici le début du deuxième semestre 2025.
Pourquoi le regain d’intérêt pour le marché chinois ?
Le mois de février a été marqué par une surperformance relative des marchés actions asiatiques, et plus particulièrement chinois, un phénomène devenu rare ces dernières années. L’indice MSCI China a clôturé le mois en hausse de plus de 11%, surpassant l’indice mondial ainsi qu’un S&P 500 en repli sur la période.
L’un des principaux moteurs de ce regain d’optimisme réside dans l’évolution des tensions commerciales sino-américaines. Contrairement aux craintes initiales, les droits de douane imposés par l’administration Trump se sont révélés bien moins sévères que le taux de 60% évoqué durant la campagne électorale. A la différence de la guerre commerciale de 2018, la Chine ne semble plus être l’unique cible des sanctions américaines. Plusieurs partenaires économiques historiques des États-Unis, notamment le Canada, le Mexique, la France et l’Allemagne, en font également les frais et sont contraints à réévaluer la nature de leurs relations avec Washington. Ce changement de dynamique est perçu comme un élément relativement plus favorable qu’anticipé pour Pékin.
Un autre catalyseur déterminant a été le moment « DeepSeek » de la fin janvier, qui a pris les marchés par surprise. L’émergence de ce modèle open-source et à faible coût a instantanément replacé les entreprises chinoises d’intelligence artificielle dans la compétition mondiale, redonnant de l’élan au secteur technologique du pays. Après plusieurs années de sous-performance, au cours desquelles des valeurs comme Alibaba et Tencent ont été largement distancés par les « Magnificent 7 » américains, ce développement inattendu a conduit certains investisseurs à revoir leur exposition aux valeurs technologiques chinoises.
Enfin, un facteur supplémentaire est venu consolider cette vague d’optimisme : le signal d’un soutien renouvelé du président Xi Jinping envers l’écosystème technologique national. L’une des causes du déclin des valeurs technologiques chinoises ces dernières années a été les mesures répressives menées par Pékin contre ses propres champions du secteur. La récente rencontre officielle et médiatisée entre Xi et les dirigeants du secteur technologique marque une rupture symbolique avec cette période de restrictions et laisse même entrevoir une phase de relance de ce secteur.
Bien que le risque de prises de bénéfices à court-terme ne puisse être écarté après un tel rallye, l’écart de valorisation entre les actions chinoises et leurs homologues internationales reste significatif. La perception des investisseurs à l’égard du marché chinois a commencé à évoluer. Ce changement de perception, combiné à des valorisations attractives, une volonté de diversification et un soutien politique renouvelé, pourrait favoriser une poursuite de la réallocation des flux d’investissement vers ce marché dans les mois à venir.
Chiffre de la semaine : -60 points de base
Les taux à 10 ans américains sont retombés à 4,2% six semaines seulement après avoir inscrit un plus haut récent à 4,8%. La politique américaine très active tant au niveau domestique qu’à l’international est en partie responsable de ce retour
des investisseurs vers la sécurité habituellement offerte par le marché obligataire.
Auteur
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Ed Yau est un spécialiste des marchés asiatiques avec 20 ans d’expérience en gestion de portefeuilles d’actions. Auparavant, il a travaillé comme responsable de la recherche dans plusieurs Hedge Funds en Suisse et à Singapour. Ingénieur HES de formation, il est également titulaire d’une licence de l’Université de Genève et d’un MBA de l’Université de Chicago. Il rejoint la Banque en 2018 et devient membre du comité d’investissement, en charge de la gestion de plusieurs fonds actions et certificats thématiques, ainsi que de la mise en place d’investissements ESG.