Les difficultés rencontrées par la Silicon Valley Bank ont non seulement mené à une forte baisse des actions bancaires américaines, mais aussi des européennes. A notre sens la situation de ces dernières est bien différente. D’une part, les banques européennes sont bien capitalisées et leurs fonds propres sont mieux valorisés qu’aux Etats-Unis. D’autre part, elles continuent d’enregistrer une progression de leurs dépôts.
Profitant des incertitudes récentes, l’or rebondit et s’approche des 1’900$/once. Alors que le métal jaune était sans tendance depuis plusieurs trimestres, nous sommes confortés de voir qu’il réagit positivement en cas de choc et remplit encore son rôle de protection des portefeuilles.
Les tensions actuelles sur le secteur bancaire américain rendent sans doute moins importante la future publication des chiffres de l’inflation pour le mois de février. Nous continuons néanmoins de tabler sur une poursuite sans doute à un rythme assez soutenu de la normalisation des prix à la consommation.
Certains resserrements de politique monétaire par la Réserve fédérale américaine (Fed) ne se terminent pas très bien, surtout lorsque le cycle de hausses de taux est assez soutenu comme c’est le cas dernièrement. Car le durcissement de la politique de crédit et l’habituelle contraction de liquidité qui l’accompagne peuvent conduire certains agents économiques à affronter des difficultés financières insurmontables.
Dès lors, les problèmes rencontrés actuellement par une banque régionale californienne (Silicon Valley Bank) indiquent peut-être qu’il s’agit là du fameux maillon faible qui le premier rompt sous la pression de conditions financières devenues trop restrictives. La Fed ne peut ignorer ce signal, d’autant qu’il touche un secteur bancaire où la confiance des déposants est cruciale si l’on souhaite éviter un phénomène de panique qui peut parfois s’étendre à d’autres acteurs.
La réaction rapide des autorités, en particulier la garantie intégrale des dépôts des clients de SVB, devrait pouvoir circonscrire tout risque de contagion et éviter un scénario semblable à ce qui s’est passé en 2008. En outre, cet incident permettra certainement de mettre fin aux hésitations récurrentes du président de la Fed. Sans doute ne s’agit-il que d’un problème de communication chez Jerome Powell ou alors les investisseurs n’arrivent toujours pas à déceler les subtilités et les nuances de son langage.
Mais il faut bien avouer que la possibilité d’une éventuelle ré-accélération des hausses de taux telle qu’évoquée dans son discours de début de semaine a de quoi laisser songeur, surtout après l’évocation d’une future pause sur les taux lors de son discours à l’issue de la dernière réunion officielle de la Fed il y a quelques semaines. La Fed se réunit le 22 mars et une nouvelle hausse de taux semble encore dans la balance.
Mais gageons que M. Powell saura pondérer les risques et reconnaître le besoin assez rapide de faire une pause sur les taux et de prendre le temps d’observer les effets de l’important durcissement monétaire auquel la Fed s’est livrée depuis une année. D’autant qu’il est largement reconnu que les hausses de taux se font habituellement ressentir au niveau de l’activité économique avec un impact décalé de plusieurs mois.
Le marché obligataire américain a déjà tranché et semble prévenir la Fed de la menace d’une erreur de politique monétaire. Alors que la courbe des taux est déjà fortement inversée, les rendements à long terme affichent une forte détente sur la semaine.
La Fed n’est pas la seule banque centrale à devoir pondérer les risques du durcissement de la politique monétaire. De l’autre côté de l’océan Pacifique, les décisions du prochain gouverneur de la Banque du Japon (BoJ) – Kazuo Ueda, qui prendra ses fonctions en avril, sont tout aussi difficiles et cruciales pour l’économie.
Si le nouveau patron de la BoJ risque de retarder la normalisation de la politique monétaire, compte tenu de son discours moins accommodant que son prédécesseur Kuroda, un durcissement progressif de la politique de crédit semble à ce stade inéluctable. La politique monétaire ultra accommodante et les rachats d’actifs n’ont plus de sens quand l’inflation s’élève à plus de 4%, le double de l’objectif fixé.
Quelles sont les conséquences pour les marchés boursiers dans ce contexte? La remontée progressive des taux longs au Japon devrait s’accompagner d’une appréciation du yen face au dollar. La tendance devrait se poursuivre compte tenu de la révision attendue des anticipations sur les taux la Fed qui ne manquera pas d’impacter le différentiel de taux.
Comme aux États-Unis, cette hausse des taux devrait pénaliser les secteurs de forte croissance et les entreprises exportatrices devraient souffrir de l’appréciation de la devise, mais cela sera limité par le niveau historiquement faible du yen. En revanche, les valeurs bancaires pourraient continuer de profiter de ce nouvel environnement de taux. Moins dépendantes du yen et des taux longs, certaines expositions à la consommation domestique devraient rebondir.
Grâce à la croissance potentielle des salaires de plus de 4%, la hausse la plus rapide depuis 1995, et du retour des touristes chinois au Japon. Beaucoup dépendrait de la politique monétaire et des compétences en communication de M. Ueda, qui, espérons-le, est meilleur que son homologue américain. Mais quoi qu’il en soit, le mauvais génie de l’inflation semble définitivement sorti de sa lampe et le Japon n’est pas sur le point de revoir la déflation de sitôt.