Il n’y a pas eu de véritable surprise lors de la réunion de la Banque Centrale Européenne. Madame Lagarde a rehaussé ses prévisions de croissance et d’inflation pour 2021 et 2022. Plus important, les marchés ont été rassurés par l’absence de mention d’un éventuel ralentissement des rachats d’actifs, suggérant que la BCE va rester accommodante encore longtemps.
Depuis les plus hauts atteints en mai, les métaux industriels consolident. Ce mouvement, nécessaire vu la rapidité de la hausse depuis le début de l’année, s’accompagne d’un nettoyage du sentiment. Le risque baissier supplémentaire nous paraît dès lors limité.
L’indice des prix à la production en Chine s’est accéléré à 9,0% en glissement annuel le mois dernier, atteignant son plus haut niveau depuis fin 2008. Cette augmentation du coût des marchandises sorties d’usine s’explique par une flambée des prix des matières premières et la reprise économique, et pourrait avoir des répercussions sur les prix des marchandises importées depuis la Chine.
Dans le monde industrialisé, le dernier grand épisode d’inflation remonte au début des années 1980 et trouve son origine dans le deuxième choc pétrolier. Aux Etats-Unis, la hausse annuelle des prix à la consommation avait alors atteint un pic de plus de 14%. Pour échapper à une hyperinflation qui menaçait d’ébranler la confiance dans le dollar, le président de la Réserve fédérale de l’époque (Paul Volcker) n’hésita pas à recourir à un remède de cheval.
Une forte hausse des taux d’intérêt et une nette réduction de la masse monétaire a permis d’enrayer la spirale inflationniste au prix malheureusement d’une forte contraction économique. Dès 1983, l’inflation annuelle reculait nettement et la doctrine de Paul Volcker allait inspirer des générations de banquiers centraux aux Etats-Unis et au-delà. Depuis lors, le monde développé connaît une période exceptionnellement longue de quasi-stabilité des prix. Au point que les investisseurs semblent désormais vouer une absolue confiance dans la capacité de nos banquiers centraux à empêcher le mauvais génie inflationniste de sortir de sa lampe.
Comment expliquer sinon la réaction du marché obligataire après la publication des prix à la consommation américains pour le mois de mai ? Une forte progression était attendue. La comparaison annuelle s’annonçait en effet très défavorable en raison du plongeon des cours des matières premières il y a un an en pleine crise sanitaire. Mais à 5% de progression annuelle, l’inflation au détail égale désormais le sommet de l’été 2008 ou son niveau du début des années 1990.
Sur la nouvelle, les rendements à 10 ans en dollar ont pourtant reculé nettement pour s’établir à 1.45%, bien loin du sommet récent de 1.75% observé à la fin du mois de mars. Officiellement, les banquiers centraux américains continuent de marteler le message d’un dérapage passager de l’inflation et d’un retour progressif vers l’objectif de 2% durant les prochains mois.
Ce scénario leur permet toujours d’envisager une normalisation très graduelle de leur politique monétaire, d’où la sérénité affichée par les marchés financiers dernièrement. La stratégie de sortie de cette politique d’urgence commencera ainsi à être discutée lors de la réunion de la Réserve fédérale cette semaine et sera probablement affinée dans le courant de l’été.
Pour l’instant, pas de hausse des taux au programme, car il s’agira d’abord de réduire progressivement les injections de liquidité et donc de stopper la planche à billets. Mais si l’inflation ne retombe pas autant et aussi vite qu’espéré par la Fed, le retour de balancier pourrait être brutal pour les investisseurs obligataires dans quelques mois.
Le premier trimestre 2021 n’a été qu’une succession de bonnes nouvelles aux Etats-Unis. Une campagne de vaccination progressant tambour battant, des indicateurs économiques au beau fixe et des aides financières généreuses distribuées au plus grand nombre ont permis aux entreprises de renouer avec la croissance. Et quelle croissance ! Pour les trois premiers mois de l’année, les bénéfices des entreprises du S&P 500 ont bondit de 50% par rapport à l’an passé, du jamais vu dans l’histoire récente.
Si un scénario similaire se dessine pour le deuxième trimestre de l’année, les investisseurs et les marchés qui anticipent les développements économiques de plusieurs mois se posent une question légitime: les bourses peuvent-elles continuer de progresser alors que les taux de croissance des bénéfices, et plus globalement du PIB, diminuent ? Car à partir du troisième trimestre 2021, la base de comparaison se fera moins favorable et une normalisation progressive de la croissance va pointer.
Un tel environnement n’est à notre sens pas un frein à la progression des bourses. Si l’on examine les résultats financiers du premier trimestre, on réalise que ce ne sont pas les secteurs affichant la plus forte croissance qui ont le mieux performé. Ce sont ceux qui ont le plus surpris les analystes et les investisseurs. Les financières, les pétrolières et les groupes exploitant des matières premières ont affiché les surprises de plus grande ampleur et ainsi les plus fortes progressions en bourse.
Plus que de se soucier du ralentissement naturel de la croissance, il faudra donc identifier les secteurs capables de continuer à battre les anticipations de marché dans un environnement de normalisation conjoncturelle. Il y a fort à parier que ce ne seront pas les mêmes que durant les six derniers mois et que l’année 2021 nous réserve encore d’abruptes rotations sectorielles.