En ligne avec les données à haute fréquence, les indicateurs économiques publiés en Chine la semaine dernière confirment une reprise en deux temps avec la production en avance sur la consommation. Les ventes au détail étaient en baisse de 7,5% sur an (malgré un fort rebond des ventes automobiles) contre +3,9% pour la production industrielle en avril.
Alors que la plupart des indices actions, y compris suisses, affichent encore des baisses considérables sur l’année 2020, certaines valeurs tirent leur épingle du jeu et atteignent de nouveaux records historiques. C’est notamment le cas de titres dans le domaine de la santé en Suisse, à l’image de Roche et de Lonza, qui ont montré une résistance impressionnante de leur activité dans le contexte actuel.
Le recul du PIB au premier trimestre dans la zone euro a été plus fort qu’attendu, notamment dans les pays du sud et en France, alors que les pays du nord ont mieux résisté. Cette divergence est à mettre en lien avec la crise sanitaire et la sévérité du confinement. Le creux a sans doute été atteint en avril et nous devrions désormais assister à une reprise graduelle.
Fed : prête à tout, à l’exception des taux négatifs ?
La Réserve fédérale américaine (Fed) n’est pas restée les bras croisés face à l’épidémie de Covid-19 et à la crise économique qui l’accompagne. Elle a même beaucoup innové eu égard à l’urgence de la situation. Elle a d’abord baissé son taux de référence à zéro et depuis elle a recours à une expansion de son bilan. Bref, la planche à billet tourne à nouveau aux Etats-Unis. En pleine déroute des bourses dans le courant du mois de mars, il fallait d’abord s’assurer du bon fonctionnement d’un marché obligataire qui montrait quelques signes de stress et menaçait de fermer le robinet du crédit aux entreprises. Dans un deuxième temps, il était important d’assurer une relance de l’économie une fois l’épidémie passée. Pour l’instant, la Fed peut être satisfaite. Elle a réussi à ramener le calme sur les marchés financiers à coup de rachats d’actifs par centaines voire milliers de milliards de dollars au prix de quelques digressions par rapport à sa doctrine. On pense en particulier à des investissements en direct dans des emprunts de sociétés incorporant un risque de crédit et notamment sur le marché des obligations à haut rendement. De même, un des programmes annoncés par la Fed vise à soutenir directement certaines entreprises de taille plus petite qui n’ont pas accès au marché des capitaux. Le but visé est d’éviter des faillites. Dans le prolongement de telles innovations, certains réclament l’adoption de taux négatifs à l’image de ce qui existe de ce côté-ci de l’Atlantique. Cette option est catégoriquement écartée par la plupart des responsables de la Fed. Son président Jerome Powell a rappelé certains effets secondaires inopportuns lors d’un discours très attendu la semaine dernière, notamment son impact sur la santé du secteur bancaire. La situation européenne semble lui donner raison. Mais comme souvent, la pression vient avant tout de la Maison blanche. En pleine campagne électorale, Donald Trump estime que la Fed n’en fait pas assez et réclame des intérêts négatifs afin d’atténuer le fardeau de la dette liée à la crise du Covid-19. Alors M. Powell observe l’amélioration récente des indices de confiance mesurés par l’université du Michigan et la Fed de New York (Empire) et s’accroche à l’idée que le pire est derrière et que l’économie est sur le point de se redresser. Si ce n’est pas le cas, les attaques de Donald Trump ne pourront que s’intensifier.
La durabilité en crise ?
Le COVID-19 est le premier véritable test depuis la crise financière de 2008 sur la résilience des investissements durables. Et cette pandémie a illustré la matérialité des facteurs de risque environnementaux et sociaux, ainsi que l’importance d’une gouvernance solide.
Premièrement, l’exposition limitée dans le secteur pétrolier a contribué à la surperformance des portefeuilles durables. Bien que l’exclusion en question ne soit pas directement liée à la crise sanitaire, elle reflète le risque structurel de ces sociétés qui doivent à terme faire face à un monde moins dépendant des énergies fossiles. L’aplatissement de la courbe des émissions de carbone est aussi important à long terme que celui des cas d’infection au coronavirus.
Les derniers mois ont aussi considérablement modifié l’attention portée sur le « S » de l’ESG (critères environnementaux, sociaux et de gouvernance). Les risques sociaux tels que la santé des employés ou les liens étroits à travers les chaines d’approvisionnement sont rapidement mis en avant. Il faut considérer à la fois des conséquences financières directes et des impacts indirects sur la réputation des entreprises.
Warren Buffet a dit un jour que ce n’est qu’à marée basse que l’on découvre qui nage nu. Les crises s’accompagnent souvent d’une augmentation du nombre de fraudes dans les marchés financiers. Une bonne analyse de la gouvernance aujourd’hui peut éviter de mauvaises surprises à l’avenir.
Il est important de garder à l’esprit la justification de l’investissement durable dans un moment comme celui-ci. L’intégration de la dimension durable dans un portefeuille ne consiste pas seulement à viser une performance supérieure grâce aux perspectives de l’analyse ESG. Il s’agit également d’inciter les dirigeants d’entreprises à évoluer vers un modèle de gestion de risque plus holistique à long terme, tel que l’adaptation et la mitigation face à la réalité de la transition climatique.
Auteur
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Diplômé de l'Université de Genève en Gestion d'entreprises, option Finance, Daniel Varela a débuté sa carrière en 1989 en tant que gérant obligataire. Il rejoint la Banque Piguet & Cie en 1999 en tant que Responsable de la gestion institutionnelle également en charge de l'analyse et de la gestion obligataire de la Banque. En 2011, il est devenu Responsable de la stratégie d'investissement et du département des investissements de Piguet Galland. Il a rejoint le Comité de Direction de Piguet Galland en janvier 2012 en tant que Chief Investment Officer.