Le taux d’inflation dans la zone euro s’est envolé en mars amenant la progression annuelle à 7,5%, soit à un plus haut sur plusieurs décennies. Cette nouvelle, qui a largement dépassé les attentes du marché, est sans doute un sujet d’inquiétudes pour la Banque Centrale Européenne qui a adopté un ton plus agressif lors de sa dernière réunion.
Les indices des directeurs d’achat (PMI) du secteur manufacturier sont tombés à 48,1 en mars, reflétant les interruptions des activités économiques causées par la propagation du variant Omicron. Ce ralentissement, qui devrait également affecter le mois d’avril, s’explique par la stagnation des nouvelles commandes, à la hausse des coûts des matières premières et aux perturbations de la chaîne d’approvisionnement.
Le chômage américain a poursuivi sa baisse régulière au mois passé, pour retrouver ses niveaux d’avant la crise sanitaire, à 3,6%. La solide création de postes du mois de mars s’est en outre accompagnée d’une hausse tout aussi impressionnante du salaire horaire, qui bondit de 5,6%. De quoi alimenter l’inflation aux Etats-Unis et accélérer le resserrement de la politique monétaire de la Réserve Fédérale.
La guerre en Ukraine reste en tête des préoccupations des agents économiques et des investisseurs. Cette crise est en effet susceptible de prolonger les perturbations grippant les chaînes d’approvisionnement et d’entretenir la montée des cours des matières premières, tuant dans l’œuf les espoirs d’une normalisation rapide sur le front de l’inflation. Dans la plupart des pays, celle-ci restera élevée plus longtemps que prévu, avec en outre le spectre d’une spirale de hausse prix-salaires là où le marché de l’emploi est le plus tendu.
Tel est précisément le cas aux Etats-Unis, qui enregistrent une progression des salaires depuis plusieurs trimestres. La persistance du problème inflationniste amène les banques centrales à sortir des politiques de soutien d’urgence mises en place dès le début de la pandémie. La Réserve fédérale américaine (Fed) compte parmi celles qui ont déjà commencé à relever leurs taux de référence, même si elle a sans doute trop attendu pour s’attaquer à l’inflation, qui atteint son plus haut niveau depuis près d’un demi-siècle. Les grands argentiers laissent ainsi aux gouvernements le fardeau du « quoi qu’il en coûte ».
Certains exécutifs, notamment européens, choisiront de laisser filer les déficits budgétaires afin de protéger les bas salaires contre la hausse du prix des carburants. Car c’est bien en Europe que l’activité économique est la plus menacée, surtout si le conflit vient à compromettre l’approvisionnement en gaz naturel, essentiel au bon fonctionnement de l’industrie du Vieux Continent.
La conjoncture américaine, quant à elle, devrait se montrer beaucoup plus résiliente face aux incertitudes géopolitiques, du fait de l’éloignement géographique. Une allocation de portefeuille plus prudente est justifiée dans ce contexte : nous avons neutralisé la part actions ces dernières semaines, mais conservons un volant de liquidités pour pouvoir saisir des opportunités, en particulier lorsqu’une désescalade militaire se profilera entre la Russie et l’Ukraine.
Dans l’intervalle, les placements alternatifs continuent d’offrir une protection intéressante afin de parer aux aléas des marchés. Cela vaut aussi pour les matières premières, au sein desquelles nous recommandons toujours un positionnement diversifié entre métaux industriels, or et produits énergétiques. La bonne tenue des cours des ressources naturelles pourrait par ailleurs favoriser les monnaies de certains pays exportateurs.
Nous privilégions notamment les investissements en dollar australien, lequel affiche des rendements supérieurs à la moyenne. Du côté des grandes devises, le dollar américain devrait profiter du resserrement monétaire de la Fed ces prochains mois, alors que la dépréciation du yen pourrait se prolonger en raison de l’inaction de la Banque du Japon.
Face à des sondages d’opinion très défavorables, le président américain a fait de grandes annonces pour s’attaquer à l’inflation et plus particulièrement au prix de l’essence qui a atteint un sommet historique, à 4.2$ par gallon (ce qui correspond à 1.03 chf/litre, l’essence étant bien moins taxé aux Etats-Unis qu’en Suisse). Ainsi, le gouvernement fédéral va ainsi puiser 1 million de barils par jours (mbj) pendant 6 mois de ses réserves stratégiques. Ce sera la plus importante quantité jamais extraite, ramenant les inventaires aux niveaux atteints en 1984.
Cette décision, prise partiellement en vue des élections de novembre, a fait baisser le
cours de l’or noir de plus de 10% sur la semaine. Ce mouvement n’a par contre que très peu impacté les échéances plus longues : les contrats pour des livraisons en décembre n’ont baissé que de manière marginale. Les intervenants sont en effet très sceptiques sur les conséquences de cette mesure sur le moyen terme. Le monde souffre d’un déficit de production, et des mesures visant à faire baisser le cours ne vont pas stimuler les sociétés à augmenter leur offre.
Nous partageons ce point de vue. En effet, malgré la hausse du baril sur un an, les sociétés pétrolières n’augmentent toujours pas leur production ; les budgets d’exploration sont en berne, et le nombre de forages est proche des plus bas de 2020.
De plus, les sanctions prises contre la Russie ne devraient pas être levées à court terme, et vont impacter sa capacité à investir pour maintenir sa production. En outre, le positionnement des investisseurs est léger : le total des positions ouvertes des investisseurs (« open interest ») se trouve actuellement à un plancher historique, une situation liée au net relèvement de la marge requise pour traiter les futures.
Par ailleurs, la demande est forte et devrait vitre dépasser ses sommets historiques, les restrictions chinoises sur la mobilité ne devant avoir qu’un impact temporaire. Nous voyons donc dans la baisse récente une opportunité d’achat, même si la volatilité devrait rester élevée à court terme.