Point sur les marchés - 10 mars 2025

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Christina Carlsten Analyste-gérante de fonds

Le dollar perd de sa superbe
Depuis le début du mois, le billet vert a concédé beaucoup de terrain face à une majorité de monnaies. Les causes de cette baisse sont avant tout politiques et résultent largement d’une forme de frénésie de décisions au sommet de l’Etat américain. Sur un plan domestique, les premières semaines de la nouvelle administration semblent se traduire par une détérioration du climat des affaires. L’érosion de la confiance des agents économiques provient notamment des allers-retours répétés sur les tarifs douaniers ainsi que des coupes réalisées sur le fonctionnement de l’Etat fédéral par le Département de l’efficacité gouvernementale de M. Musk. Le désengagement américain voulu par Donald Trump sur la politique internationale est également en cause. L’effort de réarmement européen s’est en effet traduit par une forte tension sur les taux longs européens. Le dollar souffre donc d’un différentiel de rendement obligataire qui n’est donc plus aussi favorable au billet vert, du moins face à l’euro et d’autres monnaies européennes comme le franc suisse. Il conviendra de suivre la publication des indicateurs économiques américains durant les prochaines semaines pour juger si cet accès de faiblesse n’est qu’un phénomène très temporaire ou une inversion de tendance plus durable.
Une relance fiscale inédite en Allemagne : un tournant pour l’Europe ?
Depuis deux décennies, l’économie européenne stagne, et l’Allemagne, a été particulièrement à la peine, affaiblie par la flambée des prix de l’énergie après l’invasion russe en Ukraine, ainsi que par la montée en puissance de la concurrence chinoise. Face à ces défis, le nouveau gouvernement allemand a dévoilé un plan de relance fiscale très supérieur aux attentes et qui a été salué par les marchés financiers. Il repose sur trois piliers. Le premier est une hausse des dépenses de défense. S’y ajoutent un fonds d’investissement hors budget de 500 milliards d’euros (11 % du PIB) sur dix ans dédié aux infrastructures et un assouplissement du frein à l’endettement pour les Länder. Ces mesures seront prochainement soumises au parlement (Bundestag), où leur adoption semble très probable. Le message est clair : l’Allemagne veut relancer sa croissance.
Si un assouplissement budgétaire était déjà dans l’air avec l’arrivée du nouveau gouvernement en Allemagne, la position de l’administration Trump sur l’Ukraine et sur les dépenses militaires trop faibles en Europe ont sans aucun doute accéléré ce virage.
Ce tournant en Allemagne pourrait entraîner une dynamique à l’échelle européenne et mettre un terme à des années de rigueur budgétaire freinant la croissance. À ce propos, la Commission européenne a annoncé un plan de 800 milliards d’euros pour renforcer sa défense, illustrant une fois de plus que l’Europe puise sa force et se mobilise dans les moments de crise.
Jusqu’ici, les perspectives économiques du Vieux continent étaient moroses, avec des prévisions de croissance sans cesse revues à la baisse. Ce changement de cap devrait au contraire stimuler l’activité et entraîner une révision haussière des anticipations.
Les marchés européens ont démarré l’année en trombe, avec l’Allemagne en tête des performances (+15%). Ce rebond est sans doute peu lié à une amélioration des fondamentaux sur le Vieux continent. Il s’explique plutôt par un pessimisme excessif des investisseurs ainsi que d’un début d’année compliqué pour la bourse américaine. Mais aujourd’hui, nous percevons les prémices d’un véritable changement de paradigme, encore sous-estimé par les marchés. Bien que la valorisation des bourses européennes après ce rallye se retrouve légèrement au-dessus de sa moyenne historique, la décote par rapport au marché américain reste importante. Par ailleurs, les attentes de croissance des bénéfices sont faibles et devraient être revues à la hausse à la suite de ces annonces importantes.
À court terme, les indices semblent quelque peu surachetés. L’instauration de taxes douanières, des éventuels obstacles législatifs concernant les dépenses publiques ou une hausse trop importante des rendements en Europe pourraient déclencher des prises de bénéfices. Nous ne serions pas surpris de voir les marchés européens consolider, mais ceci offrirait un point d’entrée attractif.
Chiffre de la semaine : 19
L’indice de sentiment sur les bourses américaines, « Greed and Fear » publié par CNN, a atteint un niveau extrêmement bas, à 19. C’est une chute vertigineuse par rapport au niveau de 70 affiché il y a encore un an. Cette détérioration marquée
semble indiquer que la correction actuelle des actions US pourrait bientôt toucher à sa fin.
Auteur
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Christina Carlsten est analyste et gérante senior sur les marchés européens auprès de Piguet Galland depuis 1997. Elle a commencé sa carrière à la Banque Scandinave en Suisse à la clientèle privée pour ensuite se tourner vers l’analyse financière et la gestion de fonds. Au sein de la Banque, elle est en charge de la gestion de fonds et de certificats thématiques investis en actions européennes et globales. Elle est titulaire d’une licence en sciences économiques de l’Université de Lund (Suède).