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Donald Trump rendrait un grand service aux banques centrales, s’il parvenait à faire baisser les cours des matières premières.
Dans un récent bulletin de la Banque des Règlements Internationaux (BRI), celle-ci observe que la transmission des chocs des prix des matières première vers l’inflation pourrait devenir de plus en plus importante. Les prix du gaz naturel demeurent bien supérieurs aux niveaux observés avant la pandémie. Ce qui ne manque pas d’avoir des répercussions sur des sous-produits tels que les engrais et l’électricité. Idem pour les prix du pétrole, dont la dislocation du commerce provoquée par la guerre en Ukraine se poursuit.
Or, selon la BRI, combattre l’inflation exige une analyse et des outils de politique monétaire très différents, selon qu’il s’agisse d’une inflation induite par la demande ou d’une inflation induite par l’offre. En cas de renchérissement des biens et des services sous-tendu par la demande, l’inflation est à la fois globale et sous-jacente et stimule la production industrielle. En revanche, si la hausse des prix reflète une contraction de l’offre de matières premières, le risque de stagflation apparaît.
L’inflation qui alimente l’autre inflation
L’analyse empirique de l’institution basée à Bâle souligne également que lorsque l’inflation est déjà élevée, les fluctuations des prix des matières premières, en particulier les chocs des prix de l’énergie, ont un impact inflationniste plus important. Et ce à la fois sur l’inflation sous-jacente et les anticipations d’inflation. « De sorte que les chocs importants des prix de l’énergie, à un moment où l’inflation était déjà élevée, ont constitué une combinaison explosive ayant mis à l’épreuve les régimes de faible inflation des économies développées », soulignent les experts de la BRI.
Le problème est que les banques centrales des pays développés ont tendance à ignorer les variations des prix des matières premières en raison de leur nature souvent transitoire. Tandis que les banques centrales des pays émergents, là où les anticipations d’inflation sont moins bien ancrées, réagissent de façon beaucoup plus rapide. Or les perturbations géopolitiques croissantes, la transition difficile vers les énergies vertes, la fragmentation des centres de production induite par le recul de la mondialisation constituent autant de facteurs qui menaceraient d’accroître et de rendre plus fréquentes les variations des prix des matières premières à l’avenir.
« Si les variations des prix des matières premières devenaient plus importantes et plus persistantes, les banques centrales devraient faire preuve d’une prudence particulière en examinant les effets inflationnistes », recommande la BRI. Sans toutefois suggérer une plus grande tolérance aux flambées des prix des matières premières, notamment en relevant le niveau de l’objectif d’inflation ou en mettant en place une fourchette cible avec une limite supérieure plus élevée. Des mesures qui entamerait la crédibilité des banques centrales et la confiance dans leur capacité à remplir leur mandat de stabilité des prix.
Les cours commencent déjà à baisser
« Cette réflexion soulève également des questions sur des propositions moins radicales, comme celle de mettre davantage l’accent sur l’inflation sous-jacente plutôt que sur l’inflation globale », concluent les experts de la BRI. Ces considérations furent toutefois publiées avant l’investiture du président américain, le 20 janvier dernier. Et bien avant le discours de celui-ci au Forum de Davos, à l’occasion duquel le président américain s’est en effet engagé à exiger des baisses des taux d’intérêt dans un bref délai.
Il a surtout indiqué qu’il solliciterait de la part de l’Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole (OPEP) qu’elle augmente sa production, déclarant que les « cours du pétrole demeurent trop élevés ». La chute des cours du pétrole pourrait de plus s’intensifier aux États-Unis, où Donald Trump a promis de multiplier les autorisations de forage. « L’appel de Donald Trump à une baisse des prix du pétrole sera naturellement bien accueilli par les consommateurs et les entreprises, mais accueilli avec circonspection par l’industrie pétrolière américaine et d’autres fournisseurs mondiaux », a déclaré Clay Seigle, chercheur principal en sécurité énergétique au Center for Strategic and International Studies, cité par Reuters.
De son côté, David Kelly, Chief Global Strategist chez J.P. Morgan Asset Management, estime que la fin attendue de la guerre en Ukraine pourrait empêcher la hausse persistante des prix des matières énergétiques que la BRI semble redouter. La fin de la guerre donnerait en effet à la Russie la possibilité de revenir à une production et une distribution de pétrole plus normales. « De plus, l’incertitude entourant la politique américaine a déjà un impact sur la prise de décision de la Fed », poursuit David Kelly dans son Note of The Week Ahead du 13 janvier. Qui rappelle que la réunion du FOMC de décembre révèle déjà que « le degré élevé actuel d’incertitude rendait approprié pour le Comité d’adopter une approche progressive en passant à une position politique neutre ».
La « bonne nouvelle » pour les banques centrales
Enfin, dans leur analyse hebdomadaire THINK Ahead, les économistes d’ING estiment également que la nouvelle administration rend moins viable tout changement notable d’approche vis-à-vis des risques inflationnistes. « La bonne nouvelle pour les banques centrales, si on peut appeler cela une bonne nouvelle, c’est que les données économiques, en grande partie, indiquent que celles-ci doivent orienter leur politique monétaire dans la même direction que celle que Trump exigera probablement de toute façon », expliquent les experts d’ING.
Aux États-Unis, en effet, l’économie résiste bien. Les données d’inflation, même en tenant compte de celles de décembre, demeurent stables. « Il est donc beaucoup plus facile pour la Fed de justifier une pause prolongée en attendant des éclaircissements sur le programme de Trump », poursuit ING. Qui observe également, sur le front des matières premières elles-mêmes, ce qui s’apparente à un changement de sentiment majeur.
Les prix du pétrole ont effectivement connu leur première baisse hebdomadaire de l’année (semaine du 20 au 24 janvier), le Brent ICE reculant de plus de 2,8% sur cette période. « L’histoire des tarifs douaniers est devenue une préoccupation croissante pour le marché. C’est particulièrement le cas après que l’administration Trump a imposé des tarifs douaniers de 25% à la Colombie, qui devraient augmenter à 50% dans une semaine après que la Colombie a refusé l’entrée à deux avions militaires américains qui tentaient d’expulser des immigrants illégaux. »